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Mérès Weche, vu par ...

Littérature

Mérès Wèche- Entre souvenirs et cauchemars

Publié le 2013-06-27 | lenouvelliste.com

Par Max Dorismond

 

Souvenirs

Certains écrivains jérémiens ont parfois la manie de nous entraîner en douceur sur les pentes de la rêverie. Nous ne leur tenons jamais grief, car, revivre le temps des roses ne fera jamais de mal à personne, sauf quand certaines épines, souvenirs des temps révolus, viennent nous érafler le coeur pour rouvrir des plaies à moitié enfouies au tréfonds de notre âme. Hélas! C'est très dur. Pour apprivoiser «Le songe d'une nuit de carnage», le dernier livre de Mérès Wèche, paru au début de 2013, il m'a fallu un peu de détermination. J'ai reçu l'ouvrage des mains de l'auteur depuis un certain temps, mais, le contenu ou le sujet essentiel, en titre, rapporté de surcroît par d'autres écrivains, avait nourri mes appréhensions et plombé mon élan. En dernier recours, comme sa lecture s'imposait aux fins de cette chronique, j'ai décidé de faire oeuvre utile en commençant par le prologue. Quelle ne fut pas ma surprise! Sans voir la couleur du temps, je me suis laissé entraîner sur les pas de l'auteur à la découverte de certains souvenirs agréables accrochés encore aux flancs de l'amphithéâtre qu'est la cité des Dumas. C'est un ouvrage digne des grands classiques. Il nous promène, non pas uniquement dans le sud d'Haïti, mais à travers l'Europe et ses légendes, dans un style simple, à faire le délice des partisans du langage clair et net, émaillé de quelques aquarelles et de certaines strophes des poètes locaux. Ce fut très agréable au premier abord de redécouvrir la Grand'Anse, presque qu'en son entier. Des endroits familiers me rappelant les vacances que j'ai vécues en compagnie des Wèche à Beaumont, le patelin des deux frères, Mérès et Ernst. D'une lecture attachante, son style se rapproche naturellement de Dany Laferrière. Ce qui ne me surprend guère, les deux compères ont débuté à la même enseigne, au journalle Petit Samedi soir, avec le regretté Gasner Raymond, à Port-au-Prince. Souvenirs! Souvenirs! A Jérémie, le Carré-marché, un théâtre à quatre sous... Les fous de la cité, Amérik, Ayenkwen, Véli Boudaka.... Un soir de carnaval, Maître Cazeau déguisé en revenant, en mort vivant, se présenta sous la fenêtre de La Sanette, tout de blanc vêtu, la tenue habituelle d'un des célèbres Jérémiens égorgés lors des vêpres de 64, le colonel Roger Villedrouin. Cette méprise contribua au trépas inopiné de cette fringante Marie-Jeanne, croyant recevoir la visite du décédé. Frappée d'une apoplexie foudroyante, La Sanette perdit l'usage de la parole pour mourir une semaine plus tard des suites de la surprenante apparition. Ne sachant ni lire, ni écrire, elle ne put révéler l'objet de sa mystérieuse vision. Toutefois, Maître Cazeau en avait long à raconter à l'auteur... Des histoires loufoques en plein carnaval...Ah! Des historiettes plus folles les unes que les autres. Wèche, tu nous en as mis plein la caboche. Un pan de l'histoire de Jérémie, quel que soit l'auteur, ne peut échapper à l'oeil critique de l'écrivain. Le problème noir-mulâtre à Jérémie ne peut laisser personne indifférent, à part les illuminés. Quand Mérès Wèche nous parle de l'histoire rocambolesque du mariage de sa tante Reine, une beauté noire, avec Lucien, le bronzé, c'est à mourir à la fois de plaisir et de honte. Dodo, le frère de Reine a failli couper la tête du père Péron, l'imposant curé de l'époque qui avait manifesté son désir de ne pas procéder à la cérémonie sous peine d'excommunication : pas de mariage entre noir et mulâtre, ici, à Jérémie, rétorqua le maudit curé. Hey! Chatouille-moi les côtes, quelqu'un, pour me faire rire, si tu trouves un brin de mulâtre chez le pauvre Lucien que je connais fort bien d'ailleurs. Ah! Jérémie, Si tu n'existais pas...

Cauchemars

Même dans sa tombe, le tonton macoute effraie et dérange. A voir toute la contorsion alphabétique et intellectuelle de Wèche pour maquiller son récit ou coder le nom des macouteaux de Jérémie, afin de se protéger ou plus encore,de ne pas blesser.C'est un calcul dubitatif. «Un bébé lancé en l'air acheva sa chute sur la pointe d'une baïonnette. Milpleur et Tigé ont marqué en lettres de sang cette malheureuse tragédie» de l'été 64. A écouter ces assassins heureux raconter leur crime à satiété, en pleine rue et à gorge déployée, dans un état jouissif proche de la transe orgasmique, ça donne froid dans le dos. Pour ce, je peux absoudre Wèche dans une certaine mesure, car le ventre de la bête est encore fécond. Comme je l'avais déjà souligné dans des chroniques antérieurs, les Jérémiens sont encore frileux, ils tremblent encore, même à 30ºC sous les tropiques sud. Les survivants de ces égorgeurs, ce qui est fort malheureux, sont pour la plupart aujourd'hui des camarades, des alliés circonstanciels ou des connaissances qui rendent l'exercice tantôt hasardeux, tantôt frustrant. Parfois des liens de proximité ou de coeur peuvent triompher de certains épisodes ténébreux et mouler l'irrationnel dans les contours du rationnel. Nul ne peut condamner le fils pour les actes sordides du père. Nous avons le devoir moral de nous rabattre le caquet aux fins de les protéger. Soyons magnanimes! Ces héritiers de la bêtise collective sont venus au monde sans option préférentielle. Donc, une sélection naturelle s'impose aux diseurs de bonnes ou de mauvaises aventures. Wèche a tiré un trait au pinceau entre la transparence et le réalisme. Sa puissance narrative et le métissage de l'imaginaire ont fait le reste. D'autres sujets abordés par l'auteur, à propos des égorgés de Numéro-deux m'invitent à m'interroger à savoir s'il rêve vraiment ou si ce sont des prémonitions. Tantôt, il se fait devin, tantôt on croit remarquer ses sourires sous-entendus. Ah! sacré Mérès. Dans l'épisode de Leba et Nan Goudron, le village dans la ville, une expression empruntée à Eddy Cavé, le fidèle Goudronnais, on retrouve un ouvrage écrit par un Jérémien pour les Jérémiens. Ce chapitre presque rédigé à la porte de la légende,empreint d'un réalisme débilitant sans omettre la vérité historique, demeure le point névralgique de l'oeuvre que tout fils de la cité maudite saura repeindre sans sourciller. Ainsi, pourra-t-il sceller le lamentable épilogue de ce tableau en ajoutant les reflets omis et les ombres oubliées. En fait, à tous ceux qui n'ont pas eu la chance de mettre la main sur «Le songe d'une nuit de carnage», voilà une invitation à l'apprivoiser. L'auteur, je crois, a l'intention de le rééditer. En attendant, il peut vous en dénicher un ou deux.


07/11/2021
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DE LA GRAND-ANSE LITTÉRAIRE

BEAUMONT DIT NON AUX ÉCRITS VAINS
 
Par Meres Weche
 
beaumont10

 

 

 
C'est précisément pour dire oui à l'écriture, et non aux écrits vains, que de jeunes poètes et écrivains de Beaumont ont initié le projet d'un Salon du Livre, qui se veut davantage une fête foraine, pour faire connaître leur ville, qu'un étal pour ouvriers de la plume.
 
Dans mon jeune âge, j'avais toujours rêvé d'être un écrivain, surtout après avoir lu le récit de voyage de Robert Louis Stevenson, qui traversa à pied les Cévennes, en 1878, avec un âne, au moment où émergeait une conscience identitaire dans l'écriture. La situation politique et sociale d'alors tendait à se modifier, par la remise en question des moeurs et une plus grande compréhension des mécanismes socioéconomiques et politiques. Les intrigues de cour - devenues aujourd'hui de palais et de ministères - , aussi bien que les difficultés financières croissantes, dans les secteurs public et privé, font que des choix prioritaires s'imposent, et ce sont les petites communautés qui en payent les frais. On n'est cependant pas sans savoir que la plupart des étalages de connaissances dans les grandes agglomérations n'offrent qu'une façade sans substance réelle, et le livre devient un produit vendu à la criée publique.
 
Cette atmosphère de course à la publication, loin d'être un facteur de progrès dans la créativité littéraire haïtienne, met en péril l'effort de création et banalise la fonction de la littérature comme témoin d'une époque, au bénéfice de la postérité, si lointaine soit-elle. En plus de cette nécessité de témoignage et de divertissement qui la caractérise, la littérature se conçoit comme engagement, n'en déplaise à Sartre qui voulait qu'elle s'éloigne d'une volonté de mimesis, pour ne pas faire du vrai.
 
La démarche d'établissement d'une foire du livre à Beaumont n'est certes pas une velléité de sortir du pays en-dehors - ce qui est une particularité très enviable - , mais c'est plutôt la détermination d'exister comme une entité inclusive dans une Grand-Anse participative de la réalité littéraire haïtienne, et ainsi s'engager dans le combat d'affirmation d'un pays réel, en matière des valeurs littéraires. .  
 
Meres Weche

 


06/10/2020
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LA POPULATION DE LA GRAND’ANSE EST EN GRAND DANGER

En 1950, le président Dumarsais ESTIMÉ, un patriote qu’il faut compter parmi les grands hommes qui ont marqué l’histoire en Haïti, avait doté la Grand’Anse d’un magnifique pont. La beauté et la qualité de ce pont ne sont pas à démontrer. Les Jérémiens tout comme les Grand’Anselais de tout acabit ont admiré et vanté la beauté de ce pont. Un de nos poètes, pour ne pas le nommer, Jean F. Brierre, avait baptisé ce pont « L’ALEXANDRIN MÉTALLIQUE JETÉ SUR LA GAND’ANSE ».
 
pont

 

 

On ne pouvait visiter Jérémie sans prendre le temps d’admirer la splendeur de ce monument. Nous autres qui venons des hauteurs de Beaumont tous comme les gens de Corail, de Pestel, des Roseaux nous avons entendu nos parents parler des tracas qu’ils avaient endurés pour traverser la rivière de la Grand’Anse avant la construction du pont Dumarsais Estimé. Leur satisfaction était à son comble, lorsque le fils des Verrettes, alors président d’Haïti, dans un geste patriote, avait pris la décision de doter la Grand’Anse d’un pont d’une rare beauté pour l’époque pendant laquelle il a été construit.
Le pont baptisé par Jean F. Brierre L’Alexandrin métallique jeté sur la Grand’Anse, a fait la fierté des Grand’Anselais pendant longtemps. Or voilà que depuis quelques années, les Grand’Aselais ne cessent de crier au secours pour la survie du pont ou pour son remplacement pur et simple. Les différents gouvernements qui se sont succédés au pouvoir n’ont jamais voulu doter la Grand’Anse d’un nouveau pont. Qu’est-ce qu’ils veulent, ces hommes qui ne se soucient pas du malheur qui menacent la population grand’anselaise? Attendent-ils une catastrophe pour venir verser leurs larmes de crocodiles sur les cadavres des gens qui auront trouvé la mort par leur « je-m’en-foutisme ». Attendent-ils une catastrophe pour venir nous dire que Jérémie ne méritait pas cela?
La rivière Glace qui traverse la route nationale numéro 7, entre Camp-Perrin et Duchity, dans la Grand,Anse, a emporté plusieurs vies; la rivière Glace a laissé plusieurs familles en deuil, plusieurs enfants sans parents, plusieurs femmes sans maris, plusieurs hommes sans épouses. Il y a eu toujours des hommes et des femmes au pouvoir en Haïti. Il y a eu toujours des gens puissants au pouvoir à Port-au-Prince, qui venaient de la Grand’Anse. Tous se souciaient d’assurer leur bien-être personnel sans même penser à aucun moment donné au danger qui menaçait toute une population. Après la construction du pont sur la rivière Glace, on a su combien ce pont avait coûté. Deux millions et demi de dollars. Une pitance en termes de million. On s’est alors rendu compte que les différents gouvernements qui se sont succédés au pouvoir ont laissé mourir les Grand’Anselais pour rien.
L’ effondrement du pont de la Grand’Anse est imminent. Qu’on se le dise tous! Les familles sont en attente de compter des cadavres. Des enfants courent le risque de devenir orphelin de père et de mère; des vies sont sur le point d’être fauchées. Attendez-vous de voir des cadavres flottés sur les eaux de la rivière Grand’Anse pour prendre la décision que vous devriez prendre depuis longtemps déjà? Attendez-vous de voir pleurer des fils et des filles, des pères et des mères, avant de redonner à la Grand’Anse un nouveau pont? Vous, Grand’Anselais qui faites partis du pouvoir politique, je vous supplie d’agir avant qu’il soit trop tard. Vous aurez ainsi accompli une œuvre méritoire, une œuvre digne d’un patriote, une œuvre digne d’un homme ou d’une femme de cœur. Je ne suis pas un prophète de malheur. Mais je sens venir un mal qui fera une fois de plus pleurer les Grand’Anselais. Que ceux qui ont le pouvoir dans ce pays prennent leur responsabilité! Que ceux qui se disent Jérémiens prennent leur responsabilité devant l'histoire! Que ceux qui sont fiers d'être Grand’Anselais s'arment de courage pour forcer les hommes au pouvoir, à quelque échelon qu'ils appartiennent, à assumer pleinement leur responsabilité!
MERCI! MERCI! MERCI d'accorder votre attention à ce cri d'alarme d'un Grand’Anselais inconnu.
 
Osner Jean-Louis

06/10/2020
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Réponse à Max

Mon cher Max, je comprends ton état d'esprit, désarçonné comme tu l'es, et tu n'es pas le seul,  par le mal-être national. Cependant, ce n'est toutefois pas un crime de lèse-patelin que de se ressourcer intérieurement, en se rabattant sur de beaux souvenirs; c'est ce qu'on entend par l'esprit Soukha dans la spiritualité tibétaine, en nette opposition avec l'attitude appelée Doukha ou négativité totale. 
Le sentiment du retour dans sa province natale, qui a habité l'âme de Joachim Du Bellay, comme celle d'Aimé Césaire, loin d'être la quête du bonheur, dans une exaltation d'optimisme béat, se conçoit comme un état d'esprit qui fait échec aux toxines mentales - ne serait-ce qu'une euphorie artificielle - , mais qui procure une sensation de bien-être, en échappant à ce soi-même autre, loin de son chez-soi. Advienne que pourra, quand on est animé d'un tel sentiment; c'est plus fort que soi.  
 
Fraternellement
Meres    
 
 

03/10/2020
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Réponse à Raymonde Dutreuil

Merci Raymonde pour ce rappel qui m'encourage et qui m'indique de ne pas décourager. Toi et moi sommes de la même trempe, en tant que personnalités du monde universitaire haitien, originaires de Beaumont, ayant reçu nos épaulettes sur le champ de la dure bataille intellectuelle haïtienne. Nous avons tous deux fait preuve de valeur et de ténacité, sans etre issus de familles à gros sous, mais motivés par le seul désir de nous performer pour que, à compétence égale, dans nos institutions respectives, nous soyons classés à notre juste valeur, et cela pour le prestige de notre chère petite ville, désormais très visible sur la carte d'Haïti. Nous n'avons pas besoin de ces titres, déjà très vilipendés, au point d'avoir perdu tout auréole. Restons tranquillement là où nous sommes, et Beaumont en profitera.

 

Mérès Weche


03/10/2020
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